Direction d'ouvrages collectifs
Port-Royal dans la Réforme catholique,
Chroniques de Port-Royal, n° 60, 2010.
En collaboration avec Anne-Claire Volongo
Si le grand public averti a souvent une bonne connaissance de la richesse intellectuelle et spirituelle de Port-Royal dans la seconde partie du XVIIe siècle, qu'il s'agisse de la foisonnante production littéraire qui entoura le monastère, des persécutions ou encore des polémiques, la première moitié du siècle est en revanche souvent méconnue. Pour cette période, l'histoire de l'abbaye se résume bien souvent dans les esprits à l'emblématique journée du Guichet au cours de laquelle la jeune abbesse Angélique Arnauld rétablit la clôture et interdit à ses parents de la franchir. Cet épisode eut en effet de nombreuses répercussions et joua un rôle considérable dans la construction de la mémoire.
Il a toutefois semblé intéressant de le replacer dans un contexte plus général. À l'occasion du 400e anniversaire de cette journée, un colloque organisé par la Société des Amis de Port-Royal s'est tenu les 24 et 25 septembre 2009 sur le thème de Port-Royal dans la réforme catholique (1609-1627). Cette manifestation a été l'occasion de faire un bilan de l'état de la connaissance et de la recherche sur la réforme du monastère entre 1609 (date de la journée du Guichet) et 1627 (date de la sortie de Port-Royal de l'Ordre de Cîteaux). Cela fut l'occcasion de mettre en perspective l'action de la mère Angélique en la confrontant à d'autres expériences analogues mais aussi en la situant à l'intérieur d'un mouvement qui toucha l'ensemble des monastères cisterciens. On a pu également montrer le rôle d'acteurs jusqu'ici peu connus, qu'il s'agisse de réformateurs de l'Ordre ou de confesseurs jésuites du monastère. Enfin, ce travail de mise en perspective a été complété avec des études sur la fortune intellectuelle, mémorielle et littéraire de cette réforme.
Le Discernement spirituel au XVIIe siècle,
Paris, Nolin, 2011.
Le XVIIe siècle fut un âge d’or pour la direction spirituelle. Correspondances et manuels témoignent de l’importance de cette pratique et des réflexions dont elle fit l’objet. Au cœur de la rencontre entre directeurs et dirigés se trouve la nécessité d’opérer un juste discernement dans le clair obscur de la vie spirituelle. D’une certaine manière, le besoin de discerner et l’impossibilité à le faire seul sont des conditions fondatrices de ce dialogue.
Que devient l’antique notion de discernement des esprits au XVIIe siècle ? Cette question est le fil conducteur des communications rassemblées dans ce volume. Données le 9 avril 2010, à l’Institut de France, à l’occasion d’une journée d’étude de la Fondation Thiers, elles portent sur la sphère jésuite – on connaît l’importance du discernement des esprits dans les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola – mais également sur la tradition monastique et sur des auteurs marqués par la lecture de saint Augustin et engagés dans les querelles sur la mystique. Les écoles spirituelles ont donné une actualité particulière à cet aspect de la vie baptismale à travers des synthèses modernes. Parce qu’elle suppose une psychologie et qu’elle croise les interrogations des philosophes et des moralistes, la notion de discernement des esprits, par son devenir, est un révélateur des mutations anthropologiques que connaît le XVIIe siècle.
Arnauld, Thomas d'Aquin et les thomistes,
XVIIe siècle, n° 259, 2013.
En collaboration avec Denis Moreau.
Au regard d'une historiographie rapide ou convenue, tout semble opposer l'Aquinate et le grand Arnauld. Les contributions réunies dans ce numéro de XVIIe siècle mettent au jour et prennent en compte différents aspects de la complexité des rapports entre Arnauld, Thomas d'Aquin et les thomistes. L'objet de ce volume est de répondre au faisceau d'interrogations posé par l'ensemble des réflexions arnaldiennes dont Thomas d'Aquin et les thomistes sont comme le centre encore peu questionné : quelle est la signification, ou quelles sont les significations, tactiques, doctrinales, historiques, théologiques et philosophiques du thomisme (ou peut-être faut-il dire du "néo-thomisme") final et sous bien des aspects inattendu, d'Arnauld ? Dans la lignée de certains travaux de Jean Laporte, se dessine peut-être la possibilité d'une continuité forte entre Thomas d'Aquin et Descartes. Cette hypothèse continuiste conduirait à réexaminer un des postulats fondateurs de notre histoire de la philosophie contemporaine, voire de notre modernité intellectuelle, qui voient dans le cogito le geste salvateur qui fait table rase d'un passé périmé. Elle permettrait aussi d'éviter la réaction (dans tous les sens du terme) symétrique des "anti-modernes" qui, assumant au fond le même postulat discontinuiste, détestent en Descartes le fossoyeur de l'âge d'or dont Thomas d'Aquin aurait été l'emblème.
Port-Royal au XIXe siècle,
Chroniques de Port-Royal, n° 65, 2015.
En collaboration avec Stéphane Zékian.
Dans la tradition universitaire et savante, la distinction perdure entre un Port-Royal littéraire et théologique et un jansénisme contestataire postérieur à la destruction du monastère et à la publication de la bulle Unigenitus. Le découpage chronologique, comme les traditions académiques, renforce cette distinction entre le XVIIe et le XVIIIe siècle : le premier étant l'apanage des spécialistes de la littérature, le second celui des historiens.
Organisé par la Société des Amis de Port-Royal et le laboratoire LIRE, le colloque qui s'est tenu à Lyon, en octobre 2014, a pu montrer à quel point ce découpage et la vision de Port-Royal et du jansénisme qu'il induit sont tributaires du XIXe siècle. Ce siècle de grands débats a enrôlé, désigné ou dénoncé le souvenir du monastère. De la publication des Ruines de Port-Royal de l'abbé Grégoire jusqu'aux écrits d'Anatole France à l'aube du XXe siècle, en passant par l'œuvre monumentale de Sainte-Beuve, Port-Royal fut point de ralliement ou repoussoir mais n'a jamais cessé d'être présent dans les disputes, qu'il s'agisse de théologie, de politique, de littérature ou de philosophie. Si la dimension spirituelle a progressivement perdu de son acuité, les images, comme les toiles de Champaigne, les grandes figures, notamment Pascal, ou les productions savantes liées au monastère sont, quant à elles, passées dans le domaine public. Ce numéro entend contribuer à tirer le XIXe siècle des bas-côtés de l'historiographie port-royaliste, mieux, à l'installer au cœur d'une réflexion collective sur le rôle de cette époque dans la mise en place et la fixation des grands cadres mémoriels qui sont les nôtres aujourd'hui.
La Prière continuelle au XVIIe siècle.
Exégèse, liturgie, mystique,
Turnhout, Brepols, coll. "Eglise, liturgie et société dans l'Europe moderne", 2017.
En collaboration avec Stéphane Zékian.
" Il faut toujours prier" (Lc 18, 1). "Priez sans cesse" (1 Th 5, 17). Ces injonctions bibliques ont toujours constitué un défi pour les spiritualités chrétiennes: est-il possible de prière sans interruption ? Les études et les sources rassemblées dans le présent ouvrage présentent les réponses apportées au XVIIe siècle. Inscrites dans une tradition multiséculaire et confrontées aux exigences de la modernité, les doctrines et les pratiques de l’oraison perpétuelle ont à la fois suscité des débats engageant des philosophies de l’acte libre et des réflexions sur la place de la prière individuelle et collective dans la société. La continuité de la prière fut un enjeu fondamental pour le catholicisme réformé par le concile de Trente, au croisement de l’exégèse, de la liturgie et de la mystique.
Port-Royal et la République : 1940-1629 ?
Chroniques de Port-Royal, n° 68, 2018.
En collaboration avec Guillaume Métayer et Laurence Plazenet.
Port-Royal a hanté la République. Symboliquement, la plus haute coupure émise par la Banque de France de 1969 à 1994 est un « Pascal » qui fait figurer, derrière le buste de l’écrivain, une vue de Port-Royal inspirée d’une des célèbres gouaches de Madeleine Horthemels (1686-1767). Peu avant, le « Racine », le billet de 50 francs émis de 1962 à 1976, représentait le dramaturge, lui aussi devant le monastère. Billets de banque, timbres, noms de rue : Port-Royal a joui d’une assomption républicaine dont les préludes résonnent déjà chez l’abbé Grégoire. Mais comment cette imbrication s’est-elle produite ? Sur quels fondements repose-t-elle ? Quels ont été ses relais de la Révolution française à l’effondrement de la IIIe République ? Saint-Simon écrit que les proches de Port-Royal étaient pour Louis XIV des républicains : est-ce la République qui a hanté Port-Royal ? Ces interrogations en apparence liées à l’imaginaire républicain moderne conduisent l’enquête à s’intéresser finalement à la notion de République au XVIIe siècle et à un pan de l’histoire de Port-Royal aussi souvent évoqué que peu connu. Le colloque organisé à la Sorbonne, par la Société des Amis de Port-Royal, en octobre 2017, s’est efforcé d’explorer ces pistes de recherche, partant de la représentation de Port-Royal sous la IIIe République et remontant le fil d’une généalogie complexe qui trouve ses origines dès le XVIIe siècle.
Du Jansénisme au modernisme. La bulle Auctorem fidei, 1794, pivot du magistère romain,
Paris, Beauchesne, coll. "Théologie historique", 2020.
En collaboration avec Jean-Baptiste Amadieu
Auctorem fidei n’est ni la plus connue ni la plus étudiée des décisions du magistère catholique à l’époque moderne. Dernier acte solennel contre le jansénisme, cette bulle passe souvent pour une reprise de condamnations antérieures, voire pour un appendice quelque peu surnuméraire. Considérée comme le point final d’une controverse au long cours, elle n’incite guère à explorer sa postérité. Parue en 1794, elle a la réputation d’être restée inaudible dans le fracas révolutionnaire, alors qu’elle n’est pas une simple réplique de la bulle Unigenitus (1713). Auctorem fidei dépasse la simple question du jansénisme. Si le contexte de son élaboration conduit les commentateurs à interpréter la bulle à la lumière des démêlés jansénistes, d’autres lectures s’ajoutent à ce débat, notamment en raison de la postérité de ce texte qui constitue un tournant fondamental dans l’élaboration de la théologie intransigeante du premier xixe siècle — théologie intransigeante qui se poursuit notamment par le Syllabus des « erreurs modernes » établi par Pie IX en 1864 et culmine avec la condamnation du modernisme par Pie X à l’aube du XXe siècle. Auctorem fidei remet en cause une périodisation trop clivée entre l’obsession du jansénisme (XVIIe et XVIIIe siècle) et la traque du relativisme et du modernisme (XIXe et XXe siècle). Replacée dans une histoire longue, cette bulle se révèle historiquement riche, à la croisée de questions doctrinales, juridiques, politiques, ecclésiologiques et historiographiques.
Port-Royal et l'interprétation des Ecritures.
Chroniques de Port-Royal, n° 71, 2021.
En collaboration avec Hubert Aupetit et Elisabeth Vuillemin
Port-Royal a marqué pour longtemps la culture biblique française, avec la fameuse Bible de Sacy, admirée par beaucoup pour la beauté de sa langue. Cette traduction de la Bible a déjà suscité des études, qui éclairent son contexte et ses enjeux, mais on manque encore d'une synthèse sur la manière dont l'herméneutique biblique était pratiquée dans le milieu intellectuel lié au monastère. Le colloque "Port-Royal et l'interprétation des Ecritures" en propose une esquisse. Deux axes ont été privilégiés : d'une part, rendre compte des différents contextes ont l'on trouve, à Port-Royal, une interprétation des Ecritures, aussi bien sous forme de traduction que d'explication ; d'autre part, situer Port-Royal dans l'histoire longue de l'exégèse. Le rayonnement intellectuel de Port-Royal dans la société française arrive à un moment où le rapport à la Bible des chrétiens en général, et des catholiques en particulier, est en mutation profonde. La réflexion herméneutique de Port-Royal paraît assez libre : les autorités ecclésiales lui reprochent un défaut de catholicité, et Richard Simon, un défaut de scientificité. Mais cette réflexion n'est pas hors-sol. Elle revendique, outre un retour à l'Ecriture, l'héritage des Pères de l'Eglise, dont l'œuvre exégétique fondatrice est largement reconnue. Port-Royal s'inscrit ainsi dans le renouveau des études patristiques au XVIIe siècle.
Port-Royal et l'interprétation des Ecritures.
Chroniques de Port-Royal, n° 72, 2022.
En collaboration avec Bernard Callebat, Blandine Hervouët et Gilles Olivo,
Depuis la thèse controversée de Lucien Goldmann, un constat sociologique semble faire l'unanimité : si les jansénistes ne furent pas tous juristes, si les juristes ne furent pas tous jansénistes, les milieux jansénistes et juridiques se sont souvent recoupés ou ont entretenu des relations étroites. Ce fait social invite à se poser deux questions, non exclusives l'une de l'autre. Existe-t-il un droit janséniste, c'est-à-dire une conception, une interprétation ou un pratique du droit spécifiquement jansénistes ? Quel rôle ont joué la culture, les doctrines, les controverses juridiques dans l'émergence, le développement et les mutations du jansénisme ? Les contibutions du présent ouvrage visent à éclairer les effets juridiques du jansénisme sur les relations Eglise-Etat.